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En Haïti, la montée en puissance des gangs leur permet de revendiquer le pouvoir

La menace fait froid dans le dos : « Tant que nous ne serons pas conviés à la table des négociations, ce pays ne connaîtra pas la paix. » Ce « nous » auquel fait référence le chef de gang Jimmy Chérizier, face au journaliste Stuart Ramsay, lors d’une interview diffusée vendredi 29 mars par la chaîne britannique Sky News, désigne Viv Ansanm (« vivre ensemble », en créole haïtien), une coalition de groupes armés parmi ceux qui terrorisent Haïti depuis plusieurs années. M. Chérizier est l’un des leaders de cette alliance de bandes criminelles, qui s’est reformée, fin février, afin de chasser du pouvoir le premier ministre haïtien, Ariel Henry. La réémergence de cette coalition a aussitôt entraîné une multiplication des exactions et semé le chaos dans ce pays caribéen de plus de 11 millions d’habitants.
Reporter de guerre chevronné, le journaliste londonien s’est rendu à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, contrôlée à 80 % par ces bandits redoutablement violents. Flanqué d’hommes cagoulés et armés de mitraillettes, le chef de gang, qui se fait appeler « Barbecue », déroule son argumentaire politique face au journaliste vedette. « Nous avons toujours prôné le dialogue », affirme cet ancien policier qui, avec des accents de leader révolutionnaire, dénonce les inégalités « indécentes » en Haïti et accuse les élus de son pays de « perpétuer le système actuel, qui est à bout de souffle ».
Aux yeux de M. Chérizier, la coalition Viv Ansanm a toute sa place au sein du conseil présidentiel de transition, l’organe de gouvernance collégiale laborieusement installé à la tête du pays après la démission de l’impopulaire premier ministre, afin de remettre Haïti « sur la voie de la légitimité démocratique », selon son communiqué du 27 mars. L’objectif de « Barbecue » : « faire partie de la solution » pour sortir le pays de cette profonde crise sécuritaire, politique, économique et humanitaire qu’il a lui-même largement contribué à aggraver. « Nous pouvons envisager toutes les solutions, du moment que les Haïtiens ont leur mot à dire, martèle le chef de gang. Nous sommes prêts à négocier avec tout le monde, parce que ce qu’il se passe dans le pays, nous n’en sommes pas fiers. »
Ce discours à la Robin des bois reprend largement des propos que le porte-parole de Viv Ansanm a l’habitude de tenir sur les réseaux sociaux, où il est très actif. Des propos qui mettent en lumière le changement de dynamique qui s’est opéré entre les élites haïtiennes corrompues et les bandes armées qu’elles ont contribué à créer au cours des dernières décennies pour asseoir leur pouvoir.
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